Trondheim ... Tallinn ..
Il pleut quand on part à 8 heures de Mo I Rana après un copieux petit déjeuner, le dîner trop tardif pour cause de retard pas encore digéré … je commence à être inquiète pour ma ligne !
Sous une pluie battante, on va visiter une « échelle à saumon », engagement contractuel oblige! je suis devenue passive, car je compte trop sur le groupe et sur la guide, malgré la pauvreté des informations distillées. Si bien que ne sachant pas ce qu'est une échelle à saumons, je l'ai manquée, suivant d'autres personnes un peu larguées comme moi, sur le chemin en bois qui descend vers la « cascade ».
La dernière image n'est bien sur pas mon oeuvre, c'est juste pour savoir ce qu'est une "échelle à saumons"!
Je saurai plus tard que cette chute est artificielle, c'est un barrage pour l'électricité, et ce qu'il fallait voir c'était des sortes d'escaliers de l'autre coté d'une passerelle que j'ai prise pour un site interdit (vu aucune personne du groupe ou autre dessus!) et pourtant, dans le car, ils ont exhibé leur photo de la fameuse « échelle », et je me suis sentie idiote d’être passée à coté !
Après les soleils de minuit manqués, c'est le pompon ! Je vois mes limites au cours de ce voyage, Distraction pathologique, car trop obsédée par mes problèmes ? Volonté inconsciente de saboter le principe du circuit accompagné ?
Quitte à voyager en groupe, j'aurais eu besoin d'un guide plus aguerri, plus directif encore peut être, celle là ne sait gérer que les incidents de parcours, les horaires, mais coté touristique, elle est proche de zéro, à grands coups de « bien évidemment », qui masquent sa petite leçon apprise par coeur. Et elle ne sait pas nous fédérer, être précise dans ses indications.
Sans doute que voyageant seule, je dois rater aussi plein de choses, sauf que je ne le sais pas et que ça change tout ! Bienheureuse innocence.
Et pourtant ces voyages radieux, en plein amour et complicité et au pire, attente, espérance, désir de reconquête - car il y avait quelque chose à reconquérir - ces voyages là resteront inoubliables, et il me sera difficile de retourner dans ces villes : Venise, Edimbourg, Berlin, les trois princesses de la Baltique, etc … Seule Lisbonne résistera au boycott.
Je me force à manger quand même à midi, bien que n'ayant pas du tout faim, car il pleut dans le parc alentour, bon prétexte. L'indignité n'en finit pas. On quitte le Nordland par une porte monumentale au dessus de l'autoroute.
On arrive à Trondheim à 18h20, miracle ! Miracle programmé, car on a le dîner libre et la soirée est à nous, pour la première fois depuis le début, j'en frétille d'avance et mon moral remonte. Trondheim, troisième ville de Norvège, est un grand centre universitaire et commercial, elle a été fondée par Olaf 1er, au XI ème siècle, sous le nom de Nidaros.
Le gros souci des passagers, c'est de s'organiser un dîner en groupe, les plus frileux réservent pendant le trajet un repas standard proposé par la guide, de mèche avec une chaîne de restaurant, visiblement. Le groupe de Faverges va sans doute faire bande à part, avec force alcool (lourdes plaisanteries de Jean Louis au sujet des bouteilles de gnôle et de Banuyls dans les valises!) et les rares couples « solo » se ménager un instant d'intimité romantique, y compris les deux jeunes femmes de Strasbourg, bien sympathiques et parlant l'alsacien entre elles parfois, et le français avec un accent terrible !
Moi, je vais me débrouiller, j'ai une seconde petite bouteille de vin trouvée au Scandic de Mo I Rana je crois, des biscuits, de la compote, du chocolat. Je sais d'avance que je ne trouverai aucun restaurant à mon goût et je n'ai pas faim du tout.
Je pars à la découverte de la ville, me repérant à la cathédrale, qui est assez loin. Le long du chemin je ne manque pas les belles maisons hanséatiques sur pilotis le long du bras de mer et le pont de l'octroi en métal peint en rouge, magnifique et de style Art Nouveau. Il est assorti à veste en lainage rouge que je portais à Tallinn. Mon cœur se serre à cette pensée.
Je prends de belles photos, y compris de moi, car les lieux ne sont pas très fréquentés, c'est l'heure du repas. Seuls les quais du canal principal et la foire concentrent la population aux terrasses des restaurants, dans les cafés.
La foire permanente du centre ville me fait fuir, très commerciale et hors de prix - même le mac Do ne me tente pas. Je longe un opéra, des rues bourgeoises, un parc désert, loin du tumulte de la foire.
Retour par les vieux quartiers silencieux et pavés, qui m'évoquent la haute ville de Tallinn. En ce temps-là je pensais moins à toi, car ton amour m'étais acquis. Je te portais juste dans mon cœur, dans mon sourire, j'étais assurée, rassurée. On se reverrait dans quelques jours pour une nouvelle saison ..
Maisons anciennes, fleuries, échappées sur les rives du canal, peu de promeneurs. Dans une supérette, j'achète une tablette de chocolat au lait et un paquet de bon pain noir pour emporter chez moi, dans ce quartier, il n'y presque personne mais cet unique magasin est ouvert jusqu'à 22 heures.
Je croise les deux alsaciennes, en sens inverse, sur une grande place déserte, juste occupée par une grosse sculpture contemporaine en marbre noir.
Dès 21h30 retour à l'hôtel de centre ville, au si beau design scandinave, pour une modeste dînette. La nuit est loin d'être tombée, même si on a dépassé l'intérieur du cercle polaire depuis le matin.
Nuit à Trondheim donc, réveils successifs jusqu'à 6h20, juste avant la sonnerie du portable. On doit partir à 7h30.
Le petit déjeuner pris dans un atrium monumental - à une petite table seule enfin, me revigore un peu, il est bon, et pas excessif, verrines étranges, saumon, et toujours ce délicieux fromage en grain qu'on ne trouve plus en France, le « cottage cheese ».
Petit tour de ville en car, avec plusieurs arrêts que je crains à cause des marches hautes et raides, mais je découvre, bécasse que je suis, la vraie face de la cathédrale du 12ème siècle - la veille je n'avais même pas pensé à la contourner !! ou pas eu le courage.
Revoilà le pont rouge et une bizarre « rampe à vélo » qui monte le cycliste sur les hauteurs de la ville ! Il faut coincer la pédale de droite sur le dispositif, et se laisser treuiller
Je porte la tunique noire achetée en soldes à Porto, mon legging à bord de dentelle, j'ai mis mes sandales Décathlon sans chaussettes, les baskets me tiennent trop chaud au pied. Je me sens décalée parmi toutes ces dames dûment vêtues en randonneuses patentées : polos siglés, chaussures montantes lacées, polaires de qualité, pantalons noirs stricts. J'aime pas.
Ah Porto tiens ça fait juste un an, j'avais bien aimé, la fête de la St Jean et les coups de marteau en plastique sur la tête, les feux d'artifices, le fado « live » dans ce grand café secret que j'avais su découvrir moi toute seule au hasard d'une balade du coté des caves! La chanteuse s'était approchée de moi et m'avait bizarrement serrée dans ses bras avec un sourire, elle avait du sentir que j'étais – déjà – aux prises avec la « saudade ». Mais j'étais assez heureuse, surtout lestée des trois petits verres de Porto offerts par la maison Sandeman, que je venais de visiter !
J' essaie de mettre notre histoire sous le boisseau, d'oublier toi, ta maladie, réelle ou inventée ? Pas si longtemps qu'on se parlait encore, pas si longtemps qu'on s'est vus, mais plusieurs mois à venir, et sans rien au bout sans doute. Le moment est il venu où toute réparation est impossible ? Cet été sera la première saison où l'on ne se verra pas, une grande première !
Angoisse fugitive, car on part vers les montagnes, un hôtel en pleine nature nous attend pas très tard. Le paysage change, devient alpin, plus végétal qu'aquatique, il y a beaucoup de moutons, et des vaches des Highlands, bien décoiffées.
Arrivée à 18 heures dans cette jolie station de ski (en hiver) et de vacances en été, il fait assez beau à Beitestolen, hôtel Bergo, tout en rez de chaussée., mais j'ai une chambre coté route , bien sur, pas coté montagne, enfin, ce n'est qu'une nuit, tant pis pour la vue.
Joli cadre rustique avec cheminée, animaux empaillés, objets anciens, et dans la station quelques boutiques et un Spar où j'achète encore du pain intégral et du chocolat. C'est par là que je verrai le seul chat de Norvège !
On est montés à 1400m, dans la station je croise des couples toujours avides d'achats, je les admire et je les moque un peu à la fois, comment à leur age peuvent ils encore se laisser tenter par les « souvenirs », pure arnaque souvent, et ensuite ailleurs ils se lamentent car ils ont payé ailleurs la même chose plus cher ! Honte pour eux, et aussi pour moi, car je n'ai envie de rien, et je sais que mes cadeaux seront dédaignés par les enfants, alors je n'en fais plus.
Au restaurant d'étape (avant cet hôtel) on a dégusté du steak de rennes, haché, au grand dam de tous ces seniors aux dents de loup ! Même ambiance rustique à l' excès, autour, centre commercial énorme au milieu de nulle part, comment font ils leurs affaires ? De gros trolls en plastiques, ou bien des bœufs musqués, gardent l'entrée de toutes les boutiques.
Je n'oublierai pas Trondheim, ce bref espace de liberté, même si le prix en était la nostalgie, ses maisons sur l'eau, le pont rouge, les petites rues secrètes où je retrouvais Tallinn.
« Tallinn moins l'amour » ..