Il y avait longtemps que je n'avais pas fait un voyage vraiment hors du commun, et j'attendais l'inspiration pour ce genre de destination, à vrai dire j'avais besoin de me bousculer un peu, et de remplacer des problèmes existentiels par des vrais, par exemple un voyage en solo un peu difficile où il faut se surpasser - voila de quoi relativiser et prendre de la distance ..

Le nouvel ami d'une de mes filles est d'origine arménienne, et c'est ainsi que j'ai trouvé ma destination, quelque part entre orient et occident, dans le plus vieux pays chrétien du monde, coincé entre l'Iran et la Turquie, au nord, la Géorgie, l'Arménie et ses hautes montagnes, ses monastères très anciens, son alphabet impossible, ses souffrances et son authenticité.

Me voila donc à l'approche d'Erevan et ma voisine d'avion me montre le somment enneigé du Mont Ararat, alors que l'hotesse annonce 38 degrés au sol, à 20 heures locales! Voila une chose à laquelle je n'ai pas voulu penser ; en été Erevan est une fournaise, un étouffoir, et je vais y passer quatre jours avant de monter en Arménie du Nord où l'altitude rend l'air plus respirable, dit on.

Bonne idée de ne prendre la voiture que le lendemain à l'agence du centre ville : le taxi ne trouve pas la route de mon hotel, situé pourtant près de la gare centrale, et doit s'arreter deux fois pour demander son chemin! La nuit tombe, et je suis inquiète, en découvrant le second handicap de mon périple, lié à la conduite automobile : pas ou peu de signalisation dans la capitale (un peu mieux en dehors, souvent en alphabet latin aussi), l'anarchie complète en matière de code de la route et de prudence, et le mauvais état de certaines routes!

Enfin voici l'hotel SD, et je vous présente le quartier où je vais passer les premiers jours :

L'hotel SD est proche de la gare et d'une station de métro, ce qui me facilitera bien la vie pour mes escapades en ville ; un marché paysan et la fringante statue d'un héros local sur la place de la gare, donnent du cachet au quartier. L'immense avenue Tigran Mets sera mon repère pour mes difficiles sorties en voiture, depuis Erevan, il y en aura deux, et je me perdrai plus d'une fois! Heureusement des "anges gardiens" m'aideront chaque fois à trouver ma route, prenant meme le volant pour moi!

Sinon l'hotel est parfait : chambre climatisée et calme, ambiance familiale, incroyables petits déjeuner avec chaque fois un plat préparé sur place par la maitresse des lieux : bérek au fromage, omelette au pain, et meme saucisses blanches purée nature!

Après tout ça on est rassasié pour la journée, mais attention, il faut attendre 9 heures du matin pour le déguster, et le café (turc) est si infâme que j'ai préféré me mettre au thé à toute heure!

La ville se relève péniblement des années soviétiques et surtout du séisme de 1988. La grande avenue Tigran Mets conduit à la place de la République, immense espace dégagé qui fait rond point (muet point de vue directions, dommage) avec en son centre un grand bassin avec des jets d'eau. Tout autour, des bâtiments officiels et le Musée National, tous rebâtis en pierres du pays, dans une belle harmonie grise et rose bien reconnaissable.

La rue Abovian, qui prend sur cette place, est la rue la plus élégante d'Erevan, ombragée et ayant gardé de nombreux immeubles du 19ème, mais dont les pierres rectangulaires sont presque noires, non décapées.

On y trouve le grand cinéma Moskwa, précédé d' une belle fontaine zodiacale et de plusieurs sculptures en fil d'acier géantes, et aussi ces petits groupes de fontaines à boire de l'eau fraiche, généreusement disposées un peu partout en ville! C'est bien la moindre des choses, vu les températures estivales!

Cette rue Abovian, à un angle avec Sayat Nova, abrite la plus petite et la plus ancienne des églises de la ville, l'église Kathodike, du 12ème siècle. Sa "nef" contient à peine dix personnes et elle s'appuie contre une église bien plus récente et bien plus grande, sur une esplanade jonchée de ces pierres sculptées de croix nommées ici "khatchkar". J'ai eu la chance d'y assister au baptême ou à la bénédiction d'un nouveau né, devant l'autel surchargé d'icones et tout en hauteur, pour donner de la place .. Moment très émouvant, j'ai meme eu droit à la bénédiction du prêtre!

Poursuivons vers l'Opéra, dont la place est totalement couverte de bars "lounge" assez tape à l'oeil et presque vides, mais de l'autre coté, voici un parc très ombragé où des artistes peintres exposent leurs oeuvres sans trop de conviction, surtout occupés à taper le carton avec les collègues! Un peu de fraicbeurs et des couleurs rutilantes!

Le clou de Erevan, c'est évidemment le parc des Statues et "les Cascades" qui le continue, en suivant la pente de la colline : un ensemble monumental de marches blanches, avec des bassins et d'autres statues à tous les niveaux (une demi douzaine), et d'en haut bien sur le panorama sur Erevan et le Mont Ararat, juste en face.

Pas question de monter à pied vu la canicule sans le moindre souffle d'air, mais j'avise un porte en bas de l'édifice et à l'intérieur, surprise! d'interminables escalators en intérieur, climatisés, et ponctués d'oeuvres contemporaines, j'en aurais pleuré de joie tellement j'avais chaud! Donc agréable ascension, qui m'a rappelée celle du métro à Lisbonne, entre Baixa et Chiado!

Je sors sur les esplanades, dument gardées par des surveillants en uniforme, on y voit les "cascades", des bassins, des statues encore et la vue qui peu à peu culminera sur Erevan.

Tout en haut, je brave l'ardeur du soleil pour contempler la cime de l'Ararat, qui telle une étrange montgolfière immaculée, semble suspendue dans le ciel surchauffé, la base disparait dans la brume de chaleur ..

Je n'oublie pas non plus la belle cathédrale neuve de St Grégoire l'Illuminateur, inaugurée en 2001, qui trône sur une petite colline à coté de Tigran Mets, c'est rare une cathédrale neuve, elle est grande (contrairement aux églises anciennes d'ici), sobre, ses lignes pures rappelles l'Art Déco - J'ai eu du mal à viser tant la lumière solaire était éblouissante!

Erevan était donc ma base pour découvrir, les deux jours entiers où j'y suis restée, des lieux plus éloignés, tels qu'"Etchmiadzine, la ville sainte d'Arménie, d'une part, et d'autre part, Garni et son site antique, et Gueguard, le monastère troglodyte. Occasion de faire mes premiers tours de roue en voiture hors la ville, le tout étant d'en sortir, et d'y rentrer!!

Erevan je la parcourais le matin et le soir, étonnée de ne pas y trouver le moindre Mac Donald's, alors que l'enseigne était déjà présente à Budapest en 1989, l'été avant la chute du mur! Comment est ce possible de me priver de la providence des routardes esseulées?

Je n'ai pas vu non plus la moindre échoppe de kebab, comme je m'y attendais, sans doute en raison de la chaleur intense,les appareils étaient au repos! Les restaurants bien que très abordables, m'ont semblé bien cérémonieux, à vrai dire un peu sinistres ..heureusement que j'avais le petit déjeuner pour survivre, quelques fruits achetés au marché, des beignets ou sandwiches sous le métro pour moins de 50 centimes ..

Pour les supermarchés, petits et malcommodes, il faut s'éloigner de l'hypercentre, et encore, rien n'y est vraiment appétissant, il faut tout demander ou presque et c'est difficile de se faire comprendre. On ne peut pas dire qu'Erevan pousse à la consommation, mais finalement c'est assez reposant ..

Une bonne Kilikian locale, en revanche, c'est facile à trouver dans une de ces buvettes alignées sous les arbres, près de la place de la République ..

Mon périple en Arménie - Erevan

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