Prague, décembre 2011

J'avais attendu très longtemps avant d'oser découvrir le Prague d'après la chute du mur, j'avais peur d'un certain désenchantement à la vue du tourisme intensif, des enseignes européennes et autres stigmates de la société de consommation.. Prague devait elle rester cette ville hors du temps, silencieuse, pauvre et sombre, que j'essaie de décrire dans l'article précédent ?

Mais je me suis armée de courage, surtout que Prague devait être une des « villes partagées » chère à mon cœur (allusion purement personnelle) et puis Easyjet y avait récemment ouvert une ligne depuis Lyon.

 Et j'ai choisi la période de l'Avent, curieuse de redécouvrir Prague en hiver, alignée elle aussi sur la mode des marchés de Noël, peut être sous la neige ?

A cette perspective je n'ai jamais porté la bas que mes charmants après ski noirs fourrés et lacés sur des collants rouges ; mais on n'a pas vu la neige. Il n'empêche que j'ai marché super bien la dedans !

 Pour sortir de l 'aéroport – note à l'intention des angoissés de cette épineuse question – il faut prendre sinon un taxi, le bus 119 dont le terminus vous laissera devant une station de métro : ce sera un jeu d'enfant après, de rejoindre votre hotel. Meme si ce métro est le plus triste que j'ai pu voir dans le monde!

 Les tickets de bus métro, ainsi que ceux pour les bagages (!) sont vendus pour un prix modique à un guichet spécial, et bien visible, dans l'aéroport. J'ai retiré mille couronnes à un distributeur, tant pis pour l'inévitable commission, à quand l'euro ici ?

 Me voilà débarquée vers 20 heures sur la grande place Namesti, entre la vieille et la nouvelle ville (Stare Mesto, et Nove Mesto dans le texte)

La première chose que je vois est un centre commercial éblouissant, le Palladium, dont les lumières éclairent toutes la place, encore bien animée. Des édifices de tous style la délimitent, et au centre un réseau serré de rails de trams, ces beaux trams rouges qui sillonnent la ville.

 Je distingue une tour poudrière gothique  toute noire, des immeubles XIXème, la façade Art Nouveau de la Maison Municipale, (on y reviendra) deux autres centres commerciaux, et les éphémères petits chalets d'un marché de Noël. Cet ensemble disparate me plait bien mais je dois rejoindre mon hotel, que je sais proche, dans une rue voisine.

 Hotel délicieusement kitch, Salvador le bien nommé en hommage à Dali. Il est installé dans une de ces cours intérieures bordées de coursives, courantes à Prague. Un ascenseur transparent y a été greffé, et j'hérite pour un prix très modique, d'une superbe suite de style Napoléon III : rideaux et fauteuils rouges, coin salon, hauts plafonds, chambre supplémentaire, reproductions de Dali sur les murs, plateau bouilloire, wifi sans code et TV5Monde sur le câble ! J'aime beaucoup cette ambiance très « mitteleuropa »  et la vastitude des lieux !

Ma première visite sera pour la place de l'Hotel de Ville bien sur, accessible depuis une rue piétonne qui part de la tour poudrière.

 L'horloge astronomique est à hauteur du trottoir. Ma mémoire me jouerait elle des tours ? Je suis persuadée d'avoir du bien  lever les yeux pour l'admirer, en 1984, qu'elle était perchée au dessus de la tour, et non à même le sol ! Tant mieux, on peut donc assister facilement toutes les heures, au défilé des apôtres. L'aurait on déplacée ?

 Toute la place est investie par le marché de Noël, autour de la grande fontaine Wenceslas et Notre Dame du Tyn est maintenant cachée derrière des maisons anciennes à pignons. Autre bizarreries, ces maisons, je ne les avais pas « vues » en 1984, pourquoi ?

J'ai du mal à trouver l'entrée de la cathédrale, il faut se faufiler entre deux restaurants pour arriver sur un tout petit parvis, y entrer et découvrir les charmes gothiques de l'intérieur.

 Derrière la cathédrale, je savais trouver l'Ungelt , ou place du Tyn, maintenant il y a des guides sur Prague! - mais peu de visiteurs sans doute connaissent ce lieu secret, où autrefois se tenait le marché de l'argent et le dédouanement des marchandises. Ungelt est un mot yiddish qui signifie « désargenté », tout un programme !

Un palais de style baroque vénitien en occupe tout un pan, on y trouve une ancienne fontaine à bras, des vieilles maisons rénovées, des bancs et des arbres, et aussi la plus vieille pharmacie de la ville, où l'on vend des produits de beauté naturels, très bel endroit, dominée par les deux flèches de la cathédrale et son chevet..

 Je me suis facilement repérée dans la ville, alors qu'en 1984, j'étais vraiment errante, perdue, passant à coté de tout, les beautés de Prague se dérobant à ma connaissance, juste envoutée par l'ambiance presque irréelle .. En trois jours, j'aurais vu cette année bien plus de choses qu'en une semaine, il y a si longtemps.

 Je sais que d'un coté de la place, il y a la belle rue Pariska, qui mène à Joséfov, l'ancien ghetto, et que de l'autre coté la sinueuse rue Karlova, la voie royale, nous mènera vers le pont Charles et le quartier de Mala Strana, dominé par Hradcany, le château des rois de Bohème.

Merci Cartoville, merci le Routard et le guide Evasion ..

 Libéralisme oblige, tous les lieux de culture sont devenus payants, mais avec un système de pass à la carte, avec options diverses.

C'est le cas pour ce qu'on appelle « le musée juif » qui recouvre plusieurs synagogues et le cimetière historique, et aussi pour le site du Chateau, encore plus compliqué. Pour ce dernier, j'ai tenu à voir la Ruelle d'Or, qui m'avait échappée à la première visite (il fallait le faire!) et au moins la première partie de la cathédrale St Guy, l'ancien palais royal et la petite église St Georges, baroque à souhait.

Ce quartier haut était réservé à la vie royale et à ses serviteurs, pour la plupart regroupés dans la Ruelle d'Or, et ses maisons de poupées bariolées et transformés en lieu d'exposition sur la vie d'autrefois.

 St Guy est encore plus impressionnante que la cathédrale du Tyn, dans la splendeur de son gothique flamboyant. Un énorme sapin de Noel tente de rivaliser, sans succès.

 J'ai eu la chance de tomber sur la relève de la garde présidentielle, qui a lieu tous les jours à midi dans la première cour du château : les badauds peuvent y assister derrière la grille, ainsi qu'au départ de la troupe marchant au pas, regagnant ses quartiers ! Le tout en musique et en rythme !

En contrebas du château, ne pas manquer l'adorable quartier de « Novy Smet » où furent logés les ouvriers du chantier au 17ème siècle. Coin perdu où je n'ai croisé qu'un touriste belge esseulé comme moi et avec qui j'ai fait un bout de causette, petites rues pavées, bordées de jardinets et de vieilles maisons rénovées par les bobos du coin, et au fond un improbable café juste devant une falaise de pierres qui en fait un cul de sac un peu sinistre, soudain ..

En haut, voici le couvent ND de Lorette, et son style baroque doré et peint de partout, avec ses cours jumelles et la copie de la maison de la vierge (Sancta Casa je crois, j'ai donné mon précieux guide Evasion pour la suite du partage!)

 Pas grand monde non plus, personne ne dépasse guère l'enceinte du Chateau ..

 Le jour tombe déjà, dès 16h en cette saison, plus à l'est mais toujours dans le même fuseau horaire que Paris. Il est temps de redescendre sur Mala Strana, où cette fois je reconnais bien les maisons colorées, les enseignes, et cette rue sinueuse qui aboutit à la superbe église st Nicolas (un délire baroque pistache vanille fraise!) et enfin le Pont Charles célébrissime dans le monde entier, où désormais bateleurs et musiciens sévissent en toute liberté.

Cette fois, je découvre l'Ile Kampa, tellement amarrée de près à la rive qu'elle m'avait échappé l'autre fois, et les escaliers qui accèdent semblent dérobés tant ils sont discrets ..

Alors la c'est pur bonheur ! L'ile est à la fois un quartier d'habitation et un grand parc surplombant le fleuve, alors que les petites maisons se pressent au bord de la minuscule rivière, pourtant dotée d'un ancien moulin et de plusieurs petits ponts, donnant par fois une idée de Venise. La lumière du soir est splendide le silence presque parfait.

 

 Plus loin, un superbe musée en plein air à vocation contemporaine, et ses bébés géants, une rangée d pingouins jaune vif alignés sur le rivage, un cheval rouge, un porche ancien soudain, et en face, la vue imprenable sur la vieille ville et ses clochers.

 Des cygnes croisent à l'autre bout de l'ile, après le mur de John Lennon où tout proclame « All you needs is love » de toutes les couleurs !

 

C'est vrai ..

Retour en ville, le jour suivant, avec une excursion au couvent St Agnès, superbe musée d'art médiéval installé dans un ancien monastèren, un peu excentré, mais c'est ts faisable à pied, hors circuit touristique.

Puis le quartier de la place Wenceslas, dédié à l'Art Nouveau, très présent à Prague, mais pas si concentré qu'à Riga. Il pleut un peu mais il fait doux, je trouve refuge dans le passage Lucerna, où m'attend l'étrange sculpture de Cerny qui représente le roi Wenceslas assis sur son cheval mort, celui ci étant pendu les pattes en l'air, à l'envers. Un cinéma à l'ancienne aussi, des brasseries chics, des boutiques de souvenirs haut de gamme, des lampes à l'ancienne, beaucoup de charme .. et de retour sur la place Wenceslas qui est en fait une large avenue, le célèbre hôtel Europa, et l'inévitable marché de Noël, ses bretzels, ses saucisses fumantes, ses jouets en laine et en bois.

Je pousse jusqu'aux quais, en passant devant le fameux « réverbère cubiste » et un ancien grand magasin d'état, Tesco, qui a bien du changer (j'y avais acheté un faux jean à ma fille, des plus basiques, en 1984). Le Slavia, brasserie mythique, fait l'angle avec un quai bourgeois, de hautes maisons pastels, mais la pluie m’empêche de flâner davantage et je saute dans un tram pour remonter.

 Ici se situe un grand moment : le chocolat à la brasserie de la Maison Municipale, selon le Routard aussi bon et bien moins cher qu'au Florian de Venise et dans un cadre certes moins ancien et prestigieux mais tout aussi cosy. Il y a deux ans, j'y étais au Florian, et dans un contexte personnel plus heureux.

 

La Maison Municipale, datée de 1906 dans le plus bel Art Nouveau, abrite maintenant théatre et salle de concert, restaurant gastronomique (le chef est français) et cette fameuse brasserie dont les larges baies ornées de moulures dorées donnent sur la place Namesti.

Je m'installe en plein milieu, et tant pis si l'on me voit prendre des photos (sans flash), l'instant est trop magique après une journée sous la pluie ! Pour 60 couronnes, j'ai un vrai chocolat servi dans de la vaisselle blanche, avec verre d'eau et petit macaron !

A ma grande stupéfaction, je m'aperçois qu'ici, dans ce pays, on a le droit de fumer dans un café !! c'est trop bien, vite, j'allume ma Viceroy mentholée .. luxe et plaisir condamné par le foutu principe de précaution et le politiquement correct qui se généralise un peu partout dans le monde.

Pour couronner le tout, un orchestre joue de la musique jazzy en live, je savoure, je rêve, all you needs is love ..

 Vous ne saurez rien des restaurants de la capitale tchèque : seule on est moins motivée pour tester les bonnes tables, ce chocolat dans un cadre sublime sera le must, avec une bière au Havelska Koruna et quelques grignotages au marché de Noël, arrosés de vin chaud. Le petit déjeuner de l'hôtel Salvador me tenait presque toute la journée, en dépit des kilomètres parcourus dans la journée et des petites courses au supermarché Albert, modeste enseigne en face du rutilant Palladium. 

Je crois que manger toutes ces images ne laissaient pas de place pour les nourritures terrestres calibrées, ça m'a fait pareil à New York, pas le temps, même pas l'envie. L'effet d'entrainement quand on est en couple ou en groupe, est déterminant pour savoir découvrir les bonnes adresses locales.

  Dernier soir, je ressors faire un tour sur la place de l'Hotel de ville : des spectacles (danses, chorales d'enfants) se succèdent sur un podium, bière et vin chaud, barquettes de choucroute et de saucisses, patisseries locales sont consommés sans modération, des anges lumineux veillent dans les squares voisins, ça sent bon les marrons chauds, mais les carpes de Noël ne sont pas encore dans leurs bassine d'eau comme ce sera le cas dans quelques jours.

 

Il resterait à évoquer le musée Mucha, le mémorial du communisme, l'église de Notre Dame des Neiges et celle de l'enfant Jésus de Prague, toutes les synagogues du quartier Joséfov, et le cimetière juif que j'ai pu entrevoir depuis une montée d'escalier, à travers une barricade, et puis l'étonnant musée Kafka, le théatre des Etats où fut créé Don Giovanni et le joli marché voisin, et puis la maison "molle" trop excentrée, que je n'ai pas eu le temps d'aller voir.